Senior dénutrition
Semaine nationale de la dénutrition : pourquoi les séniors sont-ils concernés ?

A l’occasion de la semaine nationale de la dénutrition, le professeur Eric Fontaine, médecin au CHU de Grenoble et chercheur à l’université Grenoble Alpes, évoque les risques de ce mal silencieux chez les personnes âgées.

Maladie encore trop peu connue et qui touche toutes les catégories de la population, la dénutrition sera mise à l’honneur du 18 au 25 novembre 2022 dans le cadre de la troisième édition de cette semaine nationale.

Bonjour Professeur. En ce mois de la dénutrition, considérez-vous cette maladie comme un enjeu de santé publique ?

Bonjour. Dans les hôpitaux, on observe en moyenne 30% de patients dénutris, sans compter ceux qui ne sont pas hospitalisés et qui restent à la maison. Au total, 2 millions de personnes souffrent de dénutrition en France. Donc oui, ce sujet me semble être un réel enjeu de santé publique.


Comment survient la dénutrition ?

Dans la très grande majorité des cas, elle survient quand on ne mange pas assez par rapport à ses propres besoins. Des signes doivent alerter. La perte d’appétit et l’amaigrissement sont les premiers indices. On considère qu’une personne qui a perdu 3 kg doit consulter son médecin.


Pourquoi la dénutrition concerne-t-elle principalement les personnes âgées ?

Très souvent, la dénutrition arrive sur le terrain d’une maladie déjà installée. Elle peut être organique (insuffisance cardiaque, respiratoire, prise de médicaments dont on sait qu’ils peuvent couper l’appétit, cancer). Et puis il y a les maladies « psy » au sens large : une dépression suite à la perte d’un proche, un isolement social ou géographique renforcent la perte d’appétit et la dénutrition. Mais être dénutri, ce n’est pas simplement « perdre du poids ». L’amaigrissement constitué par la dénutrition est le corollaire de toute une série de pathologies qui peuvent être plus graves. Les personnes dénutries ont des défenses immunitaires plus basses et sont souvent touchées par des infections pulmonaires (covid, grippe). Et puis, quand on souffre de dénutrition et qu’on est âgé, on perd des muscles, ce qui favorise le risque de chute et d’hospitalisation.


Peut-on mourir de dénutrition ?

On ne meure pas de dénutrition mais de ses conséquences. Tout comme on ne meure pas du diabète mais des maladies associées (souvent cardiovasculaires). Pour la dénutrition, je le disais à l’instant, il s’agit essentiellement de complications respiratoires.


Comment prévenir la dénutrition des personnes âgées ?

Pour la prévenir, plusieurs choses doivent être dites aux personnes âgées et il arrive qu’elles surprennent. Tout d’abord : il n’est pas normal de maigrir quand on vieillit. Il nous faut déconstruire certains modes de pensées. Certains patients me disent «  à mon âge, je n’ai pas besoin de manger autant de protéines ». C’est faux. Les protéines sont importantes à tout âge. Ensuite, on ne fait pas de régime quand on est une personne âgée. Si on a eu du cholestérol à 40 et 50 ans et qu’on vit encore à 80 ans, c’est que le cholestérol ne vous a pas tué. On fait un régime si l’on est diabétique en mangeant des repas adaptés mais les personnes concernées savent tout ça. De même, on arrête de prêter attention aux messages du type « évitez de manger trop gras, trop salé, trop sucré ». Le mot important dans cette phrase, c’est « trop ». Ce slogan est destiné aux enfants, aux ados et aux jeunes adultes, afin d’éviter les risques d’obésité et de diabète causés par une trop grande sédentarisation. L’idée est de les aider à varier leurs apports. Les séniors ont l’habitude de manger des fruits et des légumes, ils ne sont pas des habitués de la malbouffe.


Peut-on éviter la dénutrition ?

On sait la détecter, la prévenir et donc, la guérir, en enrichissant notamment l’alimentation des malades. La dénutrition n’est donc pas une fatalité.


Un dernier conseil docteur ?

Oui, je voudrais insister sur la santé bucco-dentaire. C’est vraiment important. La perte de poids peut entraîner une diminution des gencives, faire bouger un dentier. La mastication devient alors douloureuse et accélère le risque de dénutrition. Soigner ses dents, ce n’est pas nécessairement se faire poser un bridge coûteux. Poser un dentier adapté peut suffire, surtout si la personne est très âgée. La dénutrition ne doit pas être passée sous silence. La lutte contre la dénutrition a besoin d’engagements, de moyens et de sensibilisation. Rendez-vous du 18 au 25 novembre 2022 partout en France à travers différentes manifestations. Vous retrouverez plus d’informations ici.